Bouilles à biaise

30.6.05

Armelle fixa le coin du drap

Motte ‘n’ Jeff (Dialogue automatiste niais) : Ze feuilleton.

Deuxième partie : Inch Allen !

Armelle fixa le coin du drap ontologique de nos amis, à la maison, comme un ange qui passe, la fixation de coins de draps de leur bonne étant toujours signe d’une montée de grandes vexations… Ainsi donc, pendant ce temps, déhors :

Motte -

Jaloux. Tout ce qui est talentueux te vexe. Jalousie crasse.

Jeff -

Faux. Joe Dassin, par exemple, voilà un spécimen de talent rare s’il est un. Bien, Joe Dassin, je te le dis en mille, j’en suis pas jaloux. Voilà !

Motte -

C’est parce qu’il est mort. Et puis, tu as le talent assez facile, il me semble. Peut-être n’es-tu jaloux que du talent vivant ?

Jeff -

Quoi ? Il est mort ? Quand ça ? Comment ? s’affola Jeff.

Motte -

N’importe quoi ! soupira la grosse tête du roux. Bien sûr qu’il est mort ! De quoi, qu’en sais-je, moi ? De syphilis, je suppose… Peut-être de la sida ? Et puis ne change pas de sujet. Le talent vivant t’horripile, avoue ! Le grand épouvantail n’arrêtait pas de pleurer en apprenant la mort de son idole. Avec émoi et moult gestes, ainsi en marchant de sa démarche lancinante, il avait l’air affecté d’une crise d’épilepsie au ralenti. Entre les larmes, il continuait :

Jeff -

Comment pouvais-je savoir qu’il trépassait dans le stupre, et en conséquence, n’en être point jaloux ?

Motte -

Je suis sensé te comprendre, là ?

Jeff -

Mais enfin, puisque j’ignorais mon deuil à son sujet, comment pouvais-je ainsi légitimiser ma non-jalousie, pour cause de mort, à son sujet ? De toute façon, mort ou vif, il est talentueux et j’en suis point jaloux, conclut-il en reprenant sur lui.

Motte -

Je persiste à te croire allergique au talent, toi, « L’Art, le Sexe et la Mort ».

Jeff -

Ben voyons donc, Woody Allen est un vieux sénile qui oublie qu’il avait déjà fait ce qu’il refait avec des fonds dont je redouterais la provenance mafieuse. Il y a plein de gens talentueux dont j’admire l’excellent travail artistique. Motte - Bien sûr, ironisa notre petit bonhomme roux.

Jeff -

Prends, outre Joe Dassin, Groucho Marx, par exemple. Voilà un artisan du cinéma dont on peut vanter le talent, l’imagination, la folie, bref, l’Art subtil de l’humour décapant.

Motte -

C’est un autre macchabée.

Jeff -

Non ?

Motte -

Si!

Jeff -

Bien, voyons ! J’ai vu un de ses films pas plus tard qu’hier !

Motte -

D’une rigidité cadavérique, que je te dis ! Tous les films noir et blanc sont faits par des morts. Méfie-toi.

Jeff -

O.k., Dalida, d’abord.

Motte -

Mort… ou morte, enfin…

Jeff -

Non ?

Motte -

Je te l’assure. Cimetière Montparnasse.

Jeff -

Hum… Andy Warhol ?

Motte -

Mort !

Jeff -

John Lennon ?

Motte -

Assassiné !

Jeff -

Denis Drouin ? Brian Jones ? Émil Ajar ?

Motte -

Crise de cœur ! Noyé ! Suicidé !

Jeff -

Voyons donc !?! Incrédulait-il entre les sanglots. C’est que toutes ces morts le peinaient grandement… Charles Beaudelaire ? Klaus Nomi ? Henry Miller ? Piotr Tchaikovski ? Mishima Yukio ? Keith Harding ? Juliette Huot ? Freddy Mercury ? Alfred Hitchcock ? Lady Di ? Harpo Marx, il n’est pas mort, lui au moins ? Laissez-moi au moins Chico !?! Jimi Hendrix ? Roy Lichtenstein ? Charles Bukowski ? Anaïs Nin ?

Motte -

Tous morts !

Motte reprenait, en définition, du mieux. Il s’amusait à tourmenter ainsi son copain de tout cet éventail de morts soudaines. Le grand gaillard s’effondrait de plus en plus. Une grande partie complète de son univers versait soudainement dans de nombreuses sépultures, vers la mort, vers le néant, vers l’oubli. Il lui semblait avoir été tenu en vie artificiellement, et que toutes ces morts le ramenaient à une réalité qu’il ne connaissait pas, qui lui échappait…

Jeff -

Je ne peux le croire…

Motte -

Allez, allez, il en reste sûrement un ou deux que tu connais qui vivent toujours, à l’encontre de toute probabilité…

Jeff -

Euh… Liberace ? Igor Stravinski ? Marc Gélinas ?

Motte -

J’ai le regret de t’apprendre leur décès, à tous. Je n’y peux rien : tu aimes le mort, le froid, le marbre, la nuit.

Jeff -

Tu exagères, quand même !

Motte -

Bien non, c’est ça le drame, dit-il le sourire à la bouche, je ne puis être plus sérieux. T’es un vrai Vertigo, un fossoyeur, un nécrophile assoiffé de sexe et de sang.

Jeff -

J’en reste coi.

Motte -

Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. Démonstration de la preuve par l’absurde, mon cher. Voyons maintenant les vivants… N’aimes-tu pas Céline Dion, Vladimir Poutine, Oliver Stone, Yannick Marjot ou Renny Harlin?

Jeff -

Misère… Je les haïs tous avec passion. Tu triches, j’en suis sûr. Attends, je vais t’en trouver quelques vivants que j’admire…

Ici et maintenant, inlassablement, le temps fait son œuvre, effectue ses ravages, érode les visages et les esprits, alors que des dizaines de neurones meurent et des milliers de micro-organismes crèvent et vivent en nous, sur nous, parasites témoins de ce temps qui nous file entre les doigts, comme Madeleine qu’on attend tous, qu’on n’attend plus, dans notre âme meurtrie, alors que nos cœurs jadis jeunes s’emmurent, se protégeant des afflictions sentimentales qui pleuvent de plus en plus sur nous, nous qui demeurons toujours seuls, nous sommes toujours seuls, même quand on l’est pas, seuls avec nos mains sales, nos joies pour toujours évanouies, la passion assassinée, la recherche du Saint-Graal justifiant notre existence, le sens à donner sans boussole et encore et toujours seuls, incapables d’autre chose que d’errer, n’ayant compris quelque chose à notre misère éternelle, seuls, encore et toujours, écœurés, fatigués, suicidés mais vivants, pendant que les secondes passent, le vent sifflant, perpétuellement plus froid, plus dur, dans nos cheveux qu’il arrache, révélant la calvitie qui cache ces fameux neurones morts qui pourrissent dans notre crâne, tandis que les vers commencent déjà à nous cancériser le corps, le cœur et l’âme…

Motte -

J’attends toujours, s’impatienta le roux personnage.

Jeff -

Je… je ne sais pas, je ne sais plus…

À suivre…

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21.6.05

Trois dollars et quelques sous

Motte ‘n’ Jeff (Dialogue automatiste niais) : Ze feuilleton.

Première partie : Êtes-vous de ces gens qui ne peuvent s'endormir le soir sans avoir d'une façon ou d'une autre élevé leur esprit?

Motte -
Je suis le soleil,
Je suis l’air.

Jeff -

Je suis intemporel, et pourtant si ponctuel, lui répondit-il.

Motte : -
Je suis Temps, continua Motte,
Je suis Lumière : particule et onde.

Jeff -

Je suis Douleur et Peine,
Je suis « Bleu », et je le revendique, revendiqua-t-il,
J’en suis son père et son inspiration.

Motte -

« I am the son,
I am the heir...
»

Jeff -

Je suis Peur et Chaleur,
Je suis Lovecraft et Poe,
Je spleene.

Motte -

Je suis comme « le bruit d’une sonnerie de téléphone dans une sombre ruelle déserte, perdue dans la nuit… »

Jeff -

Je suis Vibration,
Je suis Intense,
Je suis Douleur et Peine, les muscles soubresautés encore tendus, comme sous l’effet d’une douloureuse crampe doucereuse.

Motte -

Je suis l’imperceptible,
Je suis insaisissable.

Jeff -

Je suis Art…

Motte -

« Art thou mad, old fellow » interrompit-il inégalament.

Jeff -

Je suis Sexe,
Je suis Mort.

Motte -

Ainsi donc Woody Allen avait raison.

Motte avait l’air sombre en rappelant les pensées du cinéaste. Délirant normalement avec frivolité et humour, c’était un étrange tableau de le voir ainsi préoccupé. Il était de taille moyenne, presque petit, avec une énorme tête pleine de neurones confus, les cheveux roux éclatés. Ses yeux tombaient dans des abîmes bleus, surtout sous l’effet de sa soudaine mélancolie. Sinon, que pouvait-on évoquer d’autre en le voyant ? Il portait un trench qui semblait trop long pour lui, qui semblait lourd, comme toujours trempé. Il marchait en déclamant ses paroles à Jeff, avec une vigueur surprenante pour sa charpente, ainsi alourdie par son manteau.

Jeff -

Bon, tout de suite les gros mots, avec tes gros sabots, les mots qui blessent, les paroles lourdes de sens et de sous-entendus. Ne peux-tu pas être plus joyeux, plus gai, plus léger, sans citer personne, sans allusions, directement au but, dans le calme et la sérénité ?

Jeff soupirait bruyamment. Comme c’est toujours le cas, il était grand et mince, avec une longue barbe et les yeux noirs pétillants de malice, de défi. Il semblait aussi fou que son comparse roux. Il marchait lentement, comme un gros le ferait, ses longues savates tirant des pieds interminables, d’un pas à l’autre, avec une langueur presque comique. Il n’était jamais pressé, sauf, peut-être, en paroles.

Motte -

Qu’as-tu contre Woody Allen, corbeau de malheur, mon espèce de Poe?

Jeff -

Il se répète. Et on le loue à 3 piastres et quelques trente-sous… Un vrai p’tit Christ !

À suivre…
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15.6.05

Un mercredi midi à la taverne du coin

Technique simple, efficace et propice
Qui permet de faire revenir au foyer ou à l’hospice
Une personne ou un animal aimé définitivement,
Ou même rencontrer le futur compagnon à vie rapidement.

Non, ça ne vaut pas le coût de se décourager!
Car il n’y a pas de problème sans solution, allez!
Prenez contact avec moi!

Mon pouvoir et mon savoir-faire
Garantissent mes travaux occultes et tout plein d’affaires.
S’elle ou poivre est déjà parti(e) ou mort(e),
Il/elle/ça reviendra dans 3 jours après que j’en aie pris note,
Et restera irrémédiablement avec vous,
Comme le chien avec son Maître.

Je suis capable de vous dire après seulement quelques bières,
Toute la vérité que vous cherchez à savoir sur votre vie entière
Avec des preuves concrètes!
Notamment les pichets, les cartes de crédits et les chèques.
Avec des dons de famille,
Je vous résous toutes vos sentimentales bisbilles!

Si vous voulez des résultats immédiats
Qui vont vous convaincre et vous laisser pantois,
Passez me voir sans tarder
Les mercredis midis, à la Taverne Laurier.

Je réussis là où les autres ont échoué,
Grâce aux dons de mon grand-père mort sur un bûcher,
L’un des plus grands amourologues qu’aient connu
Tous les taverniers montréalais, de 1930 à 1969 et plus!

D’autres possibilités sont offertes, si j’ose,
Mais alors, vraiment, une consultation s’impose.


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8.6.05

Histoire érotique sous réverbère

(Extrait de Motte ‘n’ Jeff [acte 1, scène 1])

[…]
-- Allez, on n’en meurt pas. Et puis je t’aime, tu sais, alors pourquoi s’en faire ? All is but a dream within a dream… Allez, oublie la noirceur de la mort que tu aimes tant sans le vouloir… Allez, allez, Jeff, viens, viens ici, mon grand.

Sur ce, le roux embrassa doucement son triste ami, puis au troisième baiser, força presque sa langue à le pénétrer doucement, puis plus activement, avec passion et amour et perversion, la salive comme débordant de ce baiser indécent, pendant que le grand épouvantail y mit du sien, leurs langues se pénétrant l’un l’autre, comme un phallus, dansant ensemble, comme deux poissons fous qui valseraient dans une jouissante source d’eau fraîche, les deux devenant de plus en plus excités. Et encore ce temps qui passe au loin, tel ces deux adolescents junkies qui traversent la rue au loin, au pas de course, une horloge grand-père entre les mains, ce temps qui fait que plusieurs minutes passent, pendant que les amis s’embrassent, pendant que le roux caresse le sexe de son ami, à travers son pantalon, comme ça, devant tout le monde, en pleine rue Mont-Royal, ces deux jeunes hommes, presque adolescents, bandés de désir et de pulsions folles, sous le regard parfois amusé, mais surtout affolé et scandalisé de mal-baisés qui les croisent. Alors que le grand brun est sur le point d’éjaculer, son roux ami brise l’étreinte et lui dit :

-- Allez, viens, allons acheter des soutiens-gorges! Allez ! Viens !
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3.6.05

Un petit bout de papier chiffonné dans la poche arrière de son jean

Dans la série : Quand le doute te tient, r’vire ça en alexandrins

De l’arrogance dans laquelle il s’était complu,
Jamais ne su qu’il a été ainsi vendu,
Par un bout de facture du chic Motel Gladu
Rempli de lits d’eau et autres histoires de cul.

Léger coup de poêle en fonte lui aura fallu,

Pour comprendre l’essence du message de sa cocue.
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