21.6.05

Trois dollars et quelques sous

Motte ‘n’ Jeff (Dialogue automatiste niais) : Ze feuilleton.

Première partie : Êtes-vous de ces gens qui ne peuvent s'endormir le soir sans avoir d'une façon ou d'une autre élevé leur esprit?

Motte -
Je suis le soleil,
Je suis l’air.

Jeff -

Je suis intemporel, et pourtant si ponctuel, lui répondit-il.

Motte : -
Je suis Temps, continua Motte,
Je suis Lumière : particule et onde.

Jeff -

Je suis Douleur et Peine,
Je suis « Bleu », et je le revendique, revendiqua-t-il,
J’en suis son père et son inspiration.

Motte -

« I am the son,
I am the heir...
»

Jeff -

Je suis Peur et Chaleur,
Je suis Lovecraft et Poe,
Je spleene.

Motte -

Je suis comme « le bruit d’une sonnerie de téléphone dans une sombre ruelle déserte, perdue dans la nuit… »

Jeff -

Je suis Vibration,
Je suis Intense,
Je suis Douleur et Peine, les muscles soubresautés encore tendus, comme sous l’effet d’une douloureuse crampe doucereuse.

Motte -

Je suis l’imperceptible,
Je suis insaisissable.

Jeff -

Je suis Art…

Motte -

« Art thou mad, old fellow » interrompit-il inégalament.

Jeff -

Je suis Sexe,
Je suis Mort.

Motte -

Ainsi donc Woody Allen avait raison.

Motte avait l’air sombre en rappelant les pensées du cinéaste. Délirant normalement avec frivolité et humour, c’était un étrange tableau de le voir ainsi préoccupé. Il était de taille moyenne, presque petit, avec une énorme tête pleine de neurones confus, les cheveux roux éclatés. Ses yeux tombaient dans des abîmes bleus, surtout sous l’effet de sa soudaine mélancolie. Sinon, que pouvait-on évoquer d’autre en le voyant ? Il portait un trench qui semblait trop long pour lui, qui semblait lourd, comme toujours trempé. Il marchait en déclamant ses paroles à Jeff, avec une vigueur surprenante pour sa charpente, ainsi alourdie par son manteau.

Jeff -

Bon, tout de suite les gros mots, avec tes gros sabots, les mots qui blessent, les paroles lourdes de sens et de sous-entendus. Ne peux-tu pas être plus joyeux, plus gai, plus léger, sans citer personne, sans allusions, directement au but, dans le calme et la sérénité ?

Jeff soupirait bruyamment. Comme c’est toujours le cas, il était grand et mince, avec une longue barbe et les yeux noirs pétillants de malice, de défi. Il semblait aussi fou que son comparse roux. Il marchait lentement, comme un gros le ferait, ses longues savates tirant des pieds interminables, d’un pas à l’autre, avec une langueur presque comique. Il n’était jamais pressé, sauf, peut-être, en paroles.

Motte -

Qu’as-tu contre Woody Allen, corbeau de malheur, mon espèce de Poe?

Jeff -

Il se répète. Et on le loue à 3 piastres et quelques trente-sous… Un vrai p’tit Christ !

À suivre…
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Tekst alzo für coïtus impromptus

1 Comments:

Blogger Chantal said...

Merci. Ça fait changement des états d'âme au "je" qui me tuent ces temps-ci. Rafraîchissement en absurde un peu hermétique...

23/6/05 08:04  

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